un effort de pédagogie auprès de nos concitoyens devrait
accompagner ce réinvestissement politique sur la question de l’eau, dont les enjeux doivent être mieux connus et davantage partagés.
C’est pourquoi les informations mises à disposition pour gérer l’eau doivent faire l’objet d’échanges, de partage avec le grand public et en premier lieu avec les utilisateurs de l’eau.
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Présentation de l’argumentaire de l’une des deux associations à l’origine du collectif
INTRODUCTION
Eau et Services Publics est une association de défense des services publics et de leurs usagers, spécialisée sur les services de distribution et d’assainissement de l’eau stéphanoise. Elle est née en 1996 suite à la privatisation des services de l’eau en 1992. Le prix de l’eau avait plus que doublé et St-Etienne était la troisième ville de France où l’eau était la plus chère. Les buts de l’association sont clairs dès sa création : obtenir une gestion publique, démocratique et transparente ainsi qu’une meilleure qualité de l’eau au tarif le plus juste pour les consommateurs.
HISTORIQUE DE LA PRIVATISATION DE L’EAU STEPHANOISE
En 1989 l’eau stéphanoise est sous régie publique, le m3 coûte 3,38 francs. Le maire d’alors, François Dubanchet, veut déléguer au privé ; il augmente les tarifs pour rendre le service attractif et faire rentrer de l’argent dans les caisses de la Ville. En 1990 le prix au m3 passe à 4,50 francs, puis à 6,20 francs en 1991. La DSP (Délégation de Service Public) est prononcée en 1992 avec un tarif à 7,90 francs au m3. Le contrat est passé avec la Société Stéphanoise des Eaux, spécialement fondée pour l’occasion et qui associe la Lyonnaise et la Générale des Eaux. Aujourd’hui elle n’a plus qu’un actionnaire unique : Suez. Passé pour 30 ans avec seulement des révisions tous les 5 ans, le contrat lui est très favorable.
Il y a bien sûr des oppositions, mais la mobilisation des élus de gauche comme de la société civile ou des employés est balayée.
Les irrégularités sont nombreuses. Il faut souligner en particulier le non-respect de la règle de l’annualité budgétaire : les tarifs de 1991 et 1992 avaient été fixés en 1990, ce qui est illégal, mais aussi le non-respect de l’interdiction de réaliser des bénéfices sous la régie publique et le non-respect de la séparation des budgets ; le service de l’eau avait reversé 17 millions de francs au budget général de la Ville en 1990, ce qui est illégal aussi. Il y a eu des saisies d’experts, du Tribunal Administratif et de la Cour Régionale des Comptes, qui ont tous invalidé les décisions prises par la mairie, mais François Dubanchet s’entête et la privatisation a malgré tout lieu selon ses termes. Ces scandales le poussent néanmoins à la démission au bout de quelques mois.
Le Conseil d’Etat est même contraint d’intervenir par un arrêt en 1995 pour supprimer les « droits d’entrée » payés par la Stéphanoise des Eaux à la Ville pour prendre le contrat et qui s’élevaient à 388 millions de francs. Ces frais étaient bien sûr illégaux car répercutés sur le prix à payer par les usagers. Ils sont remplacés par une « redevance pour occupation du domaine public » que la Cour Régionale des Comptes qualifie alors de « nouveau surcoût pour les usagers ».
En 15 ans, du fait de la privatisation, le prix du m3 tout intégré a été multiplié par 6.
FAISABILITÉ ET AVANTAGES D’UN RETOUR EN REGIE
Le contrat de délégation de l’eau stéphanoise, passé pour 30 ans, arrivera à échéance le 30 septembre 2022. Cela ouvre pour la première fois la possibilité de gérer l’eau différemment, et cela présente évidemment plusieurs avantages.
Premièrement en terme de prix. En moyenne, selon une étude de l’ONEMA (L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques ) de 2015, la régie est 15% moins chère pour les consommateurs que la délégation au privé. Cela s’explique logiquement : on paye alors uniquement le coût réel du service et non plus les surcoûts liés aux dividendes à verser aux actionnaires, aux frais de siège, au budget marketing, à la rémunération des agents de contrôle public du délégataire, etc.
Ensuite, en ce qui concerne la transparence et la démocratie, il existe la possibilité en régie d’associer les usagers et leurs associations à la gestion du service, par exemple avec l’élection de représentants aux Conseils d’Administration ou de Gestion, à l’inverse de la Délégation de Service Public actuelle où seuls des représentants d’associations peuvent assister à des commissions consultatives, sans aucun pouvoir de décision et sans compte-rendu des échanges.
Un dernier élément essentiel à prendre en compte est celui de la qualité du réseau et donc de l’eau que nous consommons. Une régie publique, à quil il est interdit de réaliser des bénéfices, augmenterait automatiquement ses investissements pour améliorer la qualité et le rendement du service. C’est exactement l’inverse qui se produit en délégation au privé, le but étant de réduire tout ce qui est considéré comme un « coût » afin de réaliser le bénéfice maximum. La dernière négociation du contrat le confirme. Beaucoup de publicité a été faite l’an dernier par la Ville et la Stéphanoise pour célébrer une « baisse du prix de l’eau de 10% ».
Ce qui a moins été communiqué en revanche c’est qu’il y avait une contrepartie à cette annonce : la concession d’une baisse de 20% des investissements obligatoires au contrat pour la rénovation et l’entretien du réseau. Cela représente pour la Stéphanoise une baisse du budget travaux de 2,5 à 2 millions d’euros annuels, soit 500 000 euros en moins pour la qualité de notre eau. Pourtant, celle-ci n’est déjà pas optimale ; nombreux sont les raccords en plomb encore présents sur le réseau, et sur plus d’un millier de prélèvements microbiologiques annuels obligatoires réalisés en 2018 sur toute la Métropole tous se sont révélés conformes sauf 3 : 2 à St-Etienne et 1 à La Fouillouse, également desservie en eau par la Stéphanoise.
Même chose pour le rendement : dans le cadre d’un accord de 2012, l’Agence de l’Eau Loire Bretagne imposait à la Stéphanoise des Eaux d’atteindre un niveau de rendement de 85% à partir de 2015 car il était alors très en-dessous des attentes, à 78%. Aujourd’hui, à l’échelle de la Métropole, le rendement était à 82,1% en 2018 et 81,9% en 2019, preuve qu’il y a encore trop de fuites et de plus en plus. Faute d’entretien, notre réseau se dégrade. Un autre chiffre vient confirmer ce constat : l’indice linéaire de pertes en réseau, qui se calcule en mètres cubes d’eau perdus par jour et par kilomètre. En 2018 il était seulement de 2,74 à Fraisses, 3,06 à Unieux ou 3,42 à la Ricamarie, toutes trois gérées en régies municipales, contre 9,41 à St-Etienne ou 7,13 à St-Priest-en-Jarez où l’eau est aussi distribuée par la Stéphanoise.
VERS UNE CONSULTATION PUBLIQUE
Notre association a interpellé les candidats à la mairie de St-Etienne lors des dernières élections municipales pour connaître leur projet pour la gestion de l’eau à la fin du contrat avec la Stéphanoise des Eaux – Suez, le 30 septembre 2022. Le candidat maire sortant Gaël Perdriau ne nous a jamais répondu et n’a même pas fait mention du sujet « eau » dans son programme, ce qui n’a pas manqué de nous surprendre compte-tenu du calendrier. Il se positionnait pourtant très clairement en faveur de la régie publique entre 2012 et 2014, jusqu’à son premier mandat à la mairie. Son groupe Union pour l’Avenir des Stéphanois déclarait même à l’époque dans un bulletin municipal : « Il est donc important d’anticiper dès aujourd’hui cette question et de poser le débat sur la table, afin de faire le meilleur choix pour St-Etienne et les Stéphanois. L’objectif d’un retour en régie directe est la maîtrise totale de la ressource eau et de son prix, la garantie d’une eau de qualité de l’approvisionnement à la distribution, des possibilités d’investissements plus importantes pour améliorer le réseau, réduire les fuites et entretenir les infrastructures. » Nous ne saurions être plus en accord avec ces propos ! Mais son silence assourdissant sur le sujet lors de cette dernière campagne et ses récentes réponses au Conseil Municipal laissent présager un autre projet. Il renvoie notamment la balle au Conseil Métropolitain, car la Métropole a hérité de la compétence eau en 2016 et de l’assainissement en 2011. Or, les derniers rapports montrent une tendance de la Métropole en faveur de la Stéphanoise, d’une part avec la hausse des contrats passés avec Suez (18 en 2018, 20 en 2020) et d’autre part avec l’alignement des échéances des contrats de plusieurs villes sur la date du 30 septembre 2022 (Fontanes, St-Héand, Roche la Molière, La Tour en Jarez, St-Priest-en-Jarez, Villars et bien sûr St-Etienne). La perspective, confirmée oralement lors de la dernière Commission Consultative, est de donner l’opportunité de passer des contrats de délégation non plus par ville mais par groupement de villes, par bassin. Les contrats n’en seraient bien sûr que plus attractifs pour les délégataires.
CONCLUSION
Toutefois, la possibilité d’une gestion publique de l’eau à St-Etienne, dans le bassin proche ou dans toute la Métropole, reste valable. L’eau n’est pas une marchandise mais une ressource vitale rare, un bien commun. Sa gestion nous concerne tous. A ce titre, nous considérons qu’une consultation publique sur l’avenir de notre eau est nécessaire. Nous avons donc constitué un collectif de campagne citoyen pour donner corps à cette exigence : Eau Citoyenne Bien Commun.